«Délit de solidarité», désobéissance civile

Briefe / Mitteilungen
Ausgabe
2018/38
DOI:
https://doi.org/10.4414/saez.2018.17129
Schweiz Ärzteztg. 2018;99(38):1276

Publiziert am 19.09.2018

«Délit de solidarité», désobéissance civile

Imaginez un instant…
Un demandeur d’asile en détresse se confie à vous. Vous l’aidez dans l’imbroglio adminis­tratif et l’accompagnez même à l’audition au Secrétariat d’Etat aux migrations à Berne. Aprè­s la décision de renvoi, vous lui procurez encore où dormir pendant quelques nuits et vous l’invitez à votre table; bravo.
Un pasteur neuchâtelois a été appréhendé en plein culte dominical et condamné le 15 août (1000 + 250 francs de frais de justice). «Délit de ­solidarité», une sentence tout à fait légale (art. 116 de la Loi sur les Etrangers qui préconise même une peine de privation de liberté en cas de récidive). Dans les pays qui nous entourent il y est prévu d’être clément dans des situations humanitaires et d’aide en cas de détresse.
Que penser aussi de cette députée tessinoise, condamnée à 10 000 francs pour avoir sauvé de l’enfer de Côme des très jeunes Syriens?
Notre loi est inique, le jugement dispropor­tionné, mettant les motifs humanitaires au même niveau que ceux qui enrichissent des passeurs et autres profiteurs du malheur des autres. On ne tient pas compte de la légitimité d’une loi.
L’assistance à une personne en danger est un des principes fondateurs de l’humanité, de l’Evangile et de l’Etat de droit; elle est ancrée dans des conventions universelles et euro­péennes des droits humains et des enfants. Je suis heureux que la législation suisse reconnaisse encore ces «instances supérieures». C’est une des raisons qui me feront voter non le 25 novembre (le droit suisse au lieu des juges étrangers).
Pourquoi cette lettre dans le Bulletin des médecins suisses? Les médecins sont – comme les pasteurs – confrontés à des situations de détresse; parfois, après notre retraite, nous ­embrassons un bénévolat dans le domaine social. N’avons-nous pas le devoir moral (le Code pénal suisse à l’art. 128 prévoit jusqu’à 3 ans de prison pour non-assistance à une personne en danger) d’oser la désobéissance civile quand la ligne rouge est franchie, quand la «justice» fait fi de la dignité humaine?