Les experts de Monsieur Berset

Briefe / Mitteilungen
Ausgabe
2019/15
DOI:
https://doi.org/10.4414/saez.2019.17770
Schweiz Ärzteztg. 2019;100(15):545

Publiziert am 09.04.2019

Les experts de Monsieur Berset

Qui dirige la santé publique en Suisse? Certainement pas le conseiller fédéral Berset, qui n’a aucune connaissance médicale. Alors, il nomme des «experts». J’ai lu le rapport des 14 experts qui proposent 32 mesures pour diminuer les coûts de la santé. Comme ces mesures reprennent quasi intégralement les propositions que répètent les caisses-maladie depuis presque 30 ans, je me suis demandé qui étaient ces «experts» et comment ils avaient été nommés. En fait, il n’y a que deux médecins suisses: la Drsse Brida von Castelberg, gynécologue zürichoise à la retraite, et le Dr Yves Eggli, médecin associé en médecine sociale et préventive à Lausanne. Pour le reste, ce ne sont que des économistes ou des juristes allemand, néérlandais, français et suisse. On m’a affirmé au niveau fédéral, que ces experts n’ont pas été nommés par les caisses-maladie ni de façon directe ni indirecte. Cependant, en allant sur le site de l’expert hollandais, M. Patrick Jeurissen, j’ai trouvé qu’il avait donné une conférence au «4e Congrès de novembre 2018 de santésuisse». Si, si, cela existe! Evidemment, il a répété les 12 mesures que M. Berset voudrait introduire cette année en commençant par le budget global ambulatoire et l’utilisation de génériques. Il a répété que 25% des mesures médicales étaient inutiles, soit même nuisibles aux patients! Je n’ai pas réussi à savoir ce qu’avait touché cet expert pour cette prestation. La compétence d’un autre expert m’a été prouvée en septembre 2018 lors d’une conférence publique organisée par un parti politique à Vevey: M. Stefan Meierhans, le surveillant des prix, qui fait partie des 14 experts nommés par M. Berset, a été invité pour donner une conférence sur les coûts de la santé. Il a commencé par parler des économies possibles en obligeant pratiquement les médecins à prescrire des génériques. Comme exemple, il a parlé du prix du… Panadol! Puis, il s’en est pris au tarif médical. Pour justifier une diminution des tarifs, il a pris l’exemple du glaucome. Il a prétendu que la rémunération pour l’opération qui permet de soigner le glaucome n’a pas changé depuis longtemps, alors que grâce au laser on opère beaucoup plus vite aujourd’hui qu’hier. Comme ophtalmologue, je n’ai pas pu faire autrement que de l’interrompre en ­disant que ses affirmations étaient fausses. Je me suis fait mal voir. On m’a demandé de le laisser finir.
Je me suis rassis non sans avoir fait remarquer que, si je n’étais pas intervenu, ces affirmations erronées auraient été prises pour la ­vérité par cette assemblée non médicale.
A la fin de l’exposé, chacun ne pouvait poser qu’une question. Je me demandais quelle question j’allais lui poser. Lorsque M. Meier­hans m’a lui-même interpellé, je lui ai demandé: «C’est quoi pour vous le glaucome?»…pas de réponse. Je répète: «C’est quoi pour vous le glaucome?»… toujours pas de réponse. Le silence devenait gênant et finalement j’ai eu pitié. Je lui ai demandé: «Vous êtes d’expression allemande, n’est-ce pas?» Il m’a répondu «oui». Alors: «Vous voulez parler de grauer Star ou de grüner Star?»
Il m’a répondu «grauer Star». Je lui ai donc dit que «grauer Star» se disait cataracte en français et que le glaucome se disait «grüner Star» en allemand. Après quelques secondes de silence, il m’a dit: «Je ne suis pas médecin, je m’excuse.» Non seulement, cet expert ignore ce qu’est un glaucome, mais il ne sait même pas que le laser femtoseconde n’est pas remboursé par l’assurance de base dans les rares cas où il est utilisé dans l’opération de la cataracte. C’est pourtant cet argument qui a été utilisé par M. Berset pour diminuer la rémunération du chirurgien de 330 points à 150! Que valent les mesures proposées par ces pseudo-experts dont la majorité a la compétence médicale de M. Meierhans?
Monsieur Berset devrait réfléchir à deux fois avant d’accepter les recommandations de ces pseudo-experts qui se basent pour la plupart sur des mesures qui ont montré leur inutilité à l’étranger.