La dictature des bonnes intentions

Briefe / Mitteilungen
Ausgabe
2019/16
DOI:
https://doi.org/10.4414/saez.2019.17778
Schweiz Ärzteztg. 2019;100(16):581-582

Publiziert am 16.04.2019

La dictature des bonnes intentions

Ayant fait ma formation de MPH il y a 30 ans, et travaillé dans ce domaine en Afrique subsaharienne et ailleurs, en plus de mon FMH de pédiatrie, je constate avec bonheur que les planètes semblent alignées! L’éditorial de notre confrère Carlos Beat Quinto dans le numéro 47 du BMS et l’article de Bertrand Kiefer (Revue médicale suisse du 21 novembre) paraissent issus de la même vision. Non, la santé publique n’est PAS une nouvelle société de discipline (comme les autres), mais recouvre comme la neige le paysage de nos pratiques, réflexions, et osons l’espérer bientôt aussi nos connaissances. La parfaite démonstration en a été faite par ces deux références. Non, la santé publique n’est pas seulement l’intérêt porté par certains aux «conditions de vie» de leurs patients. La santé publique n’est PAS que la somme des excellentes pratiques de nous tous dans nos cabinets, structures de soins, etc., avec un souci de déterminer le traitement de manière la plus adéquate et de le placer dans le monde où vit notre patient. Il doit aussi y avoir un réel souci de la communauté, même «non-souffrante» dans l’immédiat. Non seulement dans l’économie de moyens qui nous est prescrite, et mais aussi d’investir de manière proportionnée dans la prévention secondaire, et surtout primaire si faire se peut. L’exemple criant de notre inefficacité est la non-réduction du nombre de suicides en Suisse, surtout chez les jeunes, où tout médecin apporterait une bonne contribution si ce qui se fait et se dit au cabinet était suffisant. Aucun programme de prévention primaire et secondaire digne de ce nom, aucune initiative des multiples autorités concernées en vue de juguler ce problème n’a vu le jour! On peut se dire que le monde est mal fait, mais je crois que nous subissons la dictature des bonnes intentions (voir le livre de Noam Chomsky, «La doctrine des bonnes intentions», 10/18, 2005), et que l’on se dispense trop aisément d’une cure d’âme, en se défaussant par le «deal» bien connu et tellement implicite, «je fais déjà le bien, donc laissez-moi tranquille». Le monde peut être changé si on le veut, même si mesurer le changement prend du temps. Globalement nous avons la confiance du public. Je veux croire à la générosité d’une proportion notable d’entre nous, qui comprend intuitivement que «cela ne va plus», et que à la fois nos pratiques et l’écologie doivent être défendues, malgré la pression des lobbies. Et malgré notre part obscure, qui nous en dissuaderait. La planète est en danger par le réchauffement diagnostiqué tout de même il y a 35 ans déjà, et des mesures efficaces, connues, doivent être mises en place de toute urgence. Tout comme la réflexion et l’action en santé publique.