La punition des climato-certains?

Briefe / Mitteilungen
Ausgabe
2019/38
DOI:
https://doi.org/10.4414/saez.2019.18199
Schweiz Ärzteztg. 2019;100(38):1261-1264

Publiziert am 18.09.2019

La punition des climato-certains?

Connaissez-vous La punition de Tahar Ben Jelloun (2018), écrivain marocain lauréat en 1987 du prix Goncourt? L’écrivain raconte sa propre aventure lorsqu’après avoir souhaité pacifiquement plus de libertés dans la capitale de son pays, jeune étudiant en philosophie, il a été enrôlé de force pour son «service militaire» dans une bourgade perdue, comme 93 autres jeunes «punis» pour des motifs analogues. En fait, ce service militaire était un camp de redressement, avec à sa tête un officier et des subalternes sadiques, adeptes de brimades inutiles, violentes, visant à les faire obéir et se taire… ou mourir (on y a enterré ­vivant, fait des exercices de guerre à balles réelles, et certains en sont morts). Tout cela dans une illégalité certaine, mais que le consensus social couvrait, obligé d’accepter le régime royal de l’époque. Tahar s’en est sorti, a fait sa carrière d’écrivain, et raconte 50 ans après, juste parce qu’il lui a fallu ce délai pour trouver les mots!
A Zurich, sous l’effet probable de la pression populaire (?), on a largement dépassé les usages: détention sans contact de 24 heures ou plus, même pour des mineurs, amendes exorbitantes vu la condition des prévenus et le «délit», et, semble-t-il, des tests ADN. Alors que notre ministre veut proposer à juste titre une loi pour l’utilisation de certaines données livrées par le prélèvement ADN, elle a strictement limité cela à des situations de crime, pour le temps de l’enquête, et pas utilisables par la justice comme moyen de preuve pour la condamnation. Le TF dit que le Ministère public doit ordonner le prélèvement ADN, et toujours au cas par cas! Ces mesures paraissent clairement excessives par rapport à une réponse policière adéquate, pour des faits semblables comme d’autres villes en ont connu (sitting in à Lausanne sur le Grand-Pont). La réaction de ténors du barreau vaudois n’a pas tardé, qui se sont spontanément proposés pour les défendre.
Pour moi, l’analogie avec les mesures prises contre les manifestants zurichois contre le réchauffement climatique, devant les succursales de nos banques, assis sur le trottoir, est absolument évidente. On cherche, par des mesures et une interprétation sévères contraires au bon sens, à faire peur, à punir pour éviter la récidive, en espérant que la société ne réagira pas. Nous devons agir pour contrer cette criminalisation outrancière et nous montrer ouverts pour une réflexion globale. Même le premier parti de Suisse, ébranlé par les dernières élections à Zurich, a publié en mai une brochure tout-ménage (tendancieuse), avant ces derniers évènements, devant la crainte que le peuple se mette d’accord pour influencer le débat sur le climat, et oublie ses réflexes habituels de nein-sager! Espérons le même ­effet que pour l’ami marocain, que cela a propulsé dans sa carrière d’écrivain!