Vous avez mille fois raison

Briefe / Mitteilungen
Ausgabe
2019/47
DOI:
https://doi.org/10.4414/saez.2019.18407
Schweiz Ärzteztg. 2019;100(47):1571

Publiziert am 19.11.2019

Vous avez mille fois raison

Cher Professeur Bauer,
Merci pour votre excellent éditorial dans le BMS no 44. Vous avez mille fois raison et je partage absolument votre analyse. Aucune méthode d’évaluation n’est assez pertinente pour évaluer réellement la qualité de la médecine que nous pratiquons. Par contre, une multitude d’entreprises, expertes auto-proclamées en qualification des soins, fleurissent pour attribuer des certifications avec des logos pompeux, pour des sommes coquettes… dont certains médecins sont friands, il faut l’avouer, et qui font tout le succès de ces entreprises.
C’est bien clair: un médecin bien formé est non seulement performant, mais aussi économique dans les examens qu’il demande aussi bien que dans les traitements qu’il prescrit! Et cette dimension d’économicité est devenue primordiale dans les temps complexes que nous traversons. Comme vous le dites, c’est la formation qui permet les plus grands gains en qualité et, j’ajoute, en coûts.
Mais voilà, tout ceci risque de nous amener à un bouleversement de l’organisation des facultés de médecine et des centres de formation de notre pays. Ainsi, j’ai parfois l’impression que nos professeurs sont choisis sur la hauteur de la pile de publications plutôt que sur leur aptitude à former les jeunes collègues, car une liste de publications est mesurable contrairement à l’engagement à la ­formation. Et malheureusement, former un jeune, le prendre par la main, lui montrer, lui expliquer, lui apprendre à raisonner, à faire par lui-même sous bonne surveillance, prend beaucoup de temps, ce temps qui ne sera pas disponible pour publier. L’organisation actuelle de nos facultés et de nos services hospitalo-universitaires est faite de telle sorte que l’on demande à un chef de service d’être à la fois un gestionnaire de personnel et de ressources financières, un chercheur (qui publie régulièrement), un enseignant et finalement un formateur à la pratique de l’exercice de notre art. Il faut en réalité plusieurs vies pour parvenir à remplir les cahiers des charges de nos honorables professeurs. Et pourtant, quel plaisir certains trouvent à former… quand ils en ont le temps. On peut encore ajouter que la plupart des professeurs sont de purs hospitaliers qui forment pour une profession de ­médecine ambulatoire qu’ils n’ont jamais exercée, contrairement à ce qui était encore le cas lorsque j’ai fait ma formation dans les années 70.
Ainsi, si l’on veut faire des économies (pas celles qui sont prônées par nos politiques, avec un résultat en 12 à 24 mois, mais des économies à long terme!) et garantir une ­qualité des soins, c’est bien dans la formation qu’il faut investir et tout de suite! Car un bon professeur, avec une envie de transmettre son ­savoir et motivé, qui doit être très bien ­rémunéré, formera une génération de bons professionnels de la santé, dont il ne sera pas nécessaire de contrôler la qualité (ni la formation continue, qui est une évidence!) et qui ­feront une médecine de qualité, efficace et à un prix avantageux durant toute leur carrière. Car, en plus, on a bien plus de plaisir à travailler quand on est bien formé que quand on vit dans l’angoisse perpétuelle d’avoir «mal fait». Par contre, les médecins qui auront passé dans des services menés par des chefs plus préoccupés par leurs recherches et les comptes du service seront malheureusement mal formés, donneront des soins de qualité médiocre et peu efficaces et qui seront finalement très chers. Et les conséquences se feront sentir sur des décennies!
C’est donc à nos facultés de faire les bons choix, en recherchant des chefs qui soient plus portés sur la formation que sur les publications, afin d’apporter une formation de haute qualité aux jeunes collègues.