Campagne de dénigrement des médecins

Briefe / Mitteilungen
Ausgabe
2019/49
DOI:
https://doi.org/10.4414/saez.2019.18469
Schweiz Ärzteztg. 2019;100(49):1661

Publiziert am 03.12.2019

Campagne de dénigrement des ­médecins

Mercredi dernier, je reçois une patiente chez qui j’ai excisé une lésion cutanée, pour laquelle je n’ai pas encore le résultat définitif de l’examen histopathologique. J’explique alors à la patiente que nous ne pouvons pour l’instant pas encore déterminer s’il s’agit d’une ­lésion bénigne ou maligne et que, dans ce ­deuxième cas, une reprise chirurgicale sera nécessaire. Il s’ensuit une discussion sur les possibilités diagnostiques, que je tente d’abréger, vu que nous n’avons pas les réponses. Le lendemain matin, c’est le téléphone du mari, qui veut absolument avoir les détails pour ­aller demander un deuxième avis, ceci avant d’avoir les résultats définitifs. A quoi cela nous ramène-t-il? Eh bien aux différentes informations qui nous parviennent quotidiennement: 10% des patients n’ont pas le traitement adéquat pour leur maladie. 30% des diagnostics sont faux, plus de 3000 personnes meurent dans nos hôpitaux suite à des erreurs médicales… sans compter les médecins qui gagnent des dizaines de millions pour faire des expertises, en général défavorables aux patients et qui poussent certains au suicide. Et ce mouvement est général. On nous tire dessus dans la presse, sur les réseaux ­sociaux, on met des notes aux médecins, on dénigre nos connaissances, notre travail, notre engagement, notre motivation et notre bonne foi. Ces annonces sont catastrophiques et nous empêchent de faire notre travail honnêtement et en toute conscience. Les patients sont totalement désécurisés, désemparés, perdent toute confiance dans leurs thérapeutes, confiance qui est pourtant indispensable pour parvenir à traiter correctement les malades. Cette crise, où l’on remet tout en question (cela concerne d’ailleurs aussi d’autres professions: enseignants, policiers, etc.), va finir par empoisonner l’ensemble de l’activité humaine.
D’un autre côté, cela pousse les médecins à ­demander de nombreux examens totalement inutiles, mais indispensables pour pouvoir se défendre en cas d’attaque en justice. Et nous voyons de plus en plus souvent des patients demander non pas deux, mais quatre ou cinq «deuxièmes avis». Les coûts de cette méfiance organisée sont gigantesques. Alors, que l’on vienne ensuite parler de «slow medicine» fait doucement sourire. Certes, les médecins sont des humains et donc ne sont pas toujours parfaits. Certains (mais c’est une minorité infime) abusent et ne respectent pas les règles élémentaires de bonne pratique. Mais actuellement, on tire à boulets rouges sur l’ensemble de la corporation, pour le plus grand mal de la confiance des patients et pour les ­finances.
Cette situation de suspicion est intolérable et invivable, et nos politiciens feraient bien d’arrêter le cirque et de s’attacher à rétablir la confiance, qui est le premier gage de qualité des soins. Je souhaiterais aussi demander à la FMH de se munir de spécialistes pour améliorer sa communication et pouvoir réagir fortement aux annonces mensongères qui se propagent aux dépens de la population avant tout, mais aussi des finances du domaine de la santé et de la profession médicale.