«J’admire le système démocratique suisse»

Tribüne
Ausgabe
2021/43
DOI:
https://doi.org/10.4414/saez.2021.20169
Schweiz Ärzteztg. 2021;102(43):1418-1419

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Publiziert am 27.10.2021

De Besançon à Genève: l’arrivée de Pascal Gache en Suisse il y a plus de vingt ans était presque une évidence. Longtemps cadre aux Hôpitaux Universitaires de ­Genève, le médecin franco-suisse exerce en cabinet depuis 2010. Addictologue ­passionné et polyvalent, il se consacre à l’enseignement et a écrit un premier roman.
«C’est grâce au Dr Krähenbühl que je me suis installé en Suisse», dit Pascal Gache, médecin français généraliste spécialisé en addictologie, quand il explique ce qui l’a amené en terres helvétiques en 1997. Avant cela, il vit et exerce à Besançon, en Franche-Comté voisine. En tant qu’addictologue, il échange régulièrement avec des collègues suisses. Parmi eux, le Dr Krähenbühl, alors responsable de l’unité d’alcoologie aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), chez lequel il effectue un stage en 1992 et qui devient son «mentor helvétique». «Il m’a donné le goût de l’alcoologie et m’a beaucoup appris. Sans lui, je n’aurais probablement pas choisi cette voie. Je lui en suis très reconnaissant.» Son mentor meurt toutefois subitement, laissant un poste vacant sans successeur à la clé. Après les obsèques et le deuil, Pascal Gache décide de postuler et est engagé.
Sans cette rencontre, serait-il venu en Suisse? «En France, j’étais praticien hospitalier et dirigeais une unité d’alcoologie. J’étais content de mon activité, malgré une énorme charge de travail. Le stage aux HUG chez le Dr Krähenbühl m’avait permis de me familiariser avec les conditions de travail en Suisse et la façon d’y pratiquer m’avait séduit. C’était une belle opportunité à saisir.»
Installé à Genève depuis 24 ans, Pascal Gache n’a jamais été frontalier. (© Pierre Albouy)

De fonctionnaire à médecin libéral

Soucieux de s’intégrer rapidement, le Français déménage à Genève. «J’ai habité dès le premier jour en Suisse, je n’ai jamais été frontalier, même si sur les ­papiers, l’administration m’a d’abord taxé comme tel», se souvient-il en riant. Aux HUG, on l’accueille à bras ouverts. Ses douze années au sein de l’établissement universitaire l’ont marqué positivement. «J’ai pu me concentrer sur la préoccupation psychosociale inhérente à l’alcoologie, c’était captivant.» Humainement aussi, cette période a été enrichissante. «Pour mes 20 ans en Suisse, j’ai organisé une fête avec d’anciens collègues des HUG, un magnifique souvenir.» En dépit de ces atomes crochus, il quitte l’établissement universitaire en 2009.
Après quelques mois de pause introspective, Pascal Gache rejoint un cabinet avec d’autres généralistes, toujours à Genève. Un nouvel environnement dans lequel il s’épanouit pleinement professionnellement: «Je suis formateur en entretien motivationnel. Exercer en libéral me donne beaucoup de liberté pour animer mes formations. J’enseigne aussi au ­niveau postgradué, pour la formation médicale continue, et forme d’autres professionnels de la santé. L’enseignement, c’est au moins un tiers de ma vie.» S’il aime la liberté liée à la pratique en cabinet, «on a vite fait de se laisser ronronner. Il faut se remuer intellectuellement, aller à des conférences pour rester à la page. En hôpital universitaire, on est tout le temps stimulé.»

Régler les problèmes d’alcool

Traitant principalement les problèmes d’alcool, Pascal Gache tient à casser les clichés: «Ma patientèle est en majorité bien insérée et active. Sur mes douze patients du jour, dix travaillent: l’un a fondé sa propre entreprise, l’une est employée dans une ONG, il y a aussi des personnes dans l’art, le secteur bancaire et la gestion de placements. Seuls 10 à 15% sont à l’AI.» Il a constaté que la pandémie de Covid-19 avait exacerbé les problèmes d’alcool au sein de la population: «La persistance de cette situation incertaine sur de nombreux mois a pesé sur le moral des gens, et certains se sont mis à boire davantage.» Il s’efforce de proposer des méthodes alternatives comme l’hypnose et la pleine conscience, efficaces pour faire face à l’anxiété. L’entretien motivationnel est un autre outil que l’addictologue applique, en plus de l’enseigner: ce type d’entretien venant de la psychologie humaniste de Carl Rogers est centré sur le patient et vise à encourager celui-ci à changer de comportement. Touche-à-tout, le Franco-Suisse collabore avec la ­Confédération sur un projet de prévention. «C’est ­passionnant de pouvoir échanger avec différents acteurs impliqués. J’ai l’occasion d’apporter mon expérience.»

Sagesse politique

S’il est élogieux du système de santé suisse pour sa «très large offre de traitement», l’addictologue estime que son accès n’est pas toujours aisé à cause des franchises. Le gros point fort helvétique selon lui: la formation en médecine interne générale. «La Suisse fait un effort particulier pour former les généralistes, il y a une identité professionnelle propre, ce ne sont pas des spécialistes de second rang.»
Pascal Gache a obtenu le passeport à croix blanche en 2017, en même temps que son épouse et ses deux ­enfants. De quoi se sentir désormais vraiment suisse? «Je me sens assez franco-suisse», nuance-t-il. Originaire de Maîche, dans le département du Doubs, le ­médecin français a toujours eu des liens étroits avec nos contrées. «Je me suis souvent rendu en Suisse avant d’y vivre. On allait au cinéma à La Chaux-de-Fonds, on emmenait les cousins à la Vue des Alpes, pour admirer le panorama et acheter du chocolat. J’associe le pays à de nombreux souvenirs d’enfance.»
Il l’avoue, il était d’abord sceptique face au système politique suisse. «Tout me semblait très lent, mais je suis devenu admiratif de ce système qui contient une forme de sagesse. Lors des votations, le peuple suisse peut se prononcer sur une question de manière indépendante, sans appariement à un parti. La Suisse n’est pas le théâtre d’actes racistes comme la France, il y a un apaisement politique très appréciable», souligne le Français pour lequel l’Hexagone ferait bien de s’inspirer du modèle helvétique.
Quid des préjugés envers les Français – et vice versa? Cette relation de haine et d’amour le fait sourire: «C’est connu, on déteste souvent ses voisins. Les Genevois qui disent du mal des Français ont souvent un chalet en Haute-Savoie ou un appartement dans le Midi. Et les Français sont contents que les Suisses viennent faire leurs courses chez eux.» Mais, sans le personnel de santé français, les HUG ne tourneraient plus, rappelle Pascal Gache. Il comprend toutefois que les Genevois fassent la grimace face aux travailleurs de l’Hexagone, souvent privilégiés par rapport aux Suisses en raison du dumping salarial.

Un premier polar

Amateur d’opéra et de spectacle vivant, Pascal Gache profite durant son temps libre de «l’incroyable offre culturelle» genevoise. Le médecin a aussi pris le goût de l’écriture: il a publié son premier roman à la fin du printemps, un polar intitulé Mort aux Vieilles!. Un ­début de carrière d’écrivain en prévision de la retraite? A 62 ans, le Franco-Suisse ne songe pas encore à lâcher la blouse blanche. «Je pense continuer au-delà de 65 ans.» Quant à coucher sur le papier un prochain ­roman, il reste énigmatique. «J’ai eu énormément de plaisir à écrire ce premier livre, mais je suis loin d’être écrivain. Peut-être qu’un deuxième suivra…»
Plus d’un tiers des médecins en Suisse viennent de l’étranger. Pourquoi ont-ils quitté leur pays? Comment vivent-ils en Suisse? Pour la rubrique «Bonjour la Suisse», nous recherchons des ­médecins étrangers qui ont envie de témoigner de leur parcours et de leur vie en Suisse. En cas d’intérêt, merci de nous écrire à: rahel.gutmann[at]emh.ch
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