Le suicide assisté est un acte médical

Briefe / Mitteilungen
Ausgabe
2021/50
DOI:
https://doi.org/10.4414/saez.2021.20402
Schweiz Ärzteztg. 2021;102(50):1687

Publiziert am 15.12.2021

Le suicide assisté est un acte médical

Dans leur récent article, la Dre Yvonne Gilli, présidente de la FMH, et le Prof. Henri Bounameaux, président de l’ASSM, déclarent sans ambages ni nuances que «le suicide assisté reste une situation d’exception et non pas un acte médical proprement dit».
Quels sont les fondements d’une telle affirmation? Dans quelle sorte d’infaillibilité la FMH et l’ASSM se drapent-elles pour émettre un avis aussi péremptoire et définitif? De quel ­savoir l’Académie suisse des sciences médicales se prévaut-elle pour faire preuve d’une subjectivité confinant à l’aveuglement? Les sciences médicales seraient-elles solubles dans le préjugé, perméables au parti pris? Quelles sont les raisons pour lesquelles l’atteinte la plus grave à la santé, la plus certainement létale et, qui plus est, se caractérisant par une prévalence de 100% serait-elle à considérer comme ne relevant pas de la médecine lorsqu’il s’agit de l’assistance au suicide?
Alors que depuis bien longtemps, la naissance fait l’objet de toute l’attention des médecins, la mort n’est que relativement récemment ­entrée dans la pratique médicale: la valeur rédemptrice de la douleur a cédé le pas aux techniques d’antalgie et les soins palliatifs ont fort heureusement développé diverses approches d’assistance aux mourants aussi bienvenues qu’efficaces et permettant très souvent d’éviter le recours au suicide assisté. Il n’en reste pas moins évident que, le cas échéant, seul le médecin est habilité à prescrire l’agent létal et à garantir le déroulement de cette procédure dans le respect des règles prescrites. Le Tribunal fédéral a d’ailleurs affirmé que l’obtention du pentobarbital nécessite dans tous les cas une ordonnance médicale (ATF 133 I 58). C’est pourquoi l’assistance au suicide est essentiellement un acte médical.
Prétendre le contraire laisse entendre que tout un chacun pourrait en dehors de toute règle pratiquer le suicide assisté en sachant que, selon l’article 115 du Code pénal, seul «celui qui, poussé par un mobile égoïste, aura ­incité une personne au suicide, ou lui aura prêté assistance en vue du suicide, sera, si le suicide a été consommé ou tenté, puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire».
Dès lors qu’il relève de la pratique médicale le suicide médicalement assisté ne s’oppose pas mais, au contraire, s’intègre aux soins palliatifs. En outre, le choix de mettre fin à ses jours devrait être accessible non seulement aux malades atteints d’affections incurables et ­engendrant d’insupportables souffrances de longue durée ou/et non maîtrisées par les soins palliatifs, mais également à toute personne âgée, capable de discernement, qui ­décide d’interrompre une vieillesse devenue trop lourde, trop invalidante, trop dépendante au point d’entraîner une qualité de vie trop gravement altérée et dégradée.
Ne serait-il pas temps de considérer le suicide médicalement assisté non plus comme une possibilité soumise à des conditions dont l’évaluation est subjective, mais comme un droit proprement dit? Un droit d’être médicalement aidé à mourir dans la dignité, calmement, chez soi, entouré de ses proches plutôt que d’être contraint à l’isolement et aux souffrances qu’implique un suicide par mort violente. Un droit pour toutes les personnes ­capables de discernement qui en font le choix en usant de leur droit à l’autodétermination au terme d’une réflexion répétée et approfondie. Un droit également pour tout médecin et personnel de santé de s’y refuser en raison de leur objection de conscience.
N’est-il pas temps de vous donner tort, Madame et Monsieur les Présidents de la FMH et de l’ASSM, lorsque vous décidez et proclamez unilatéralement que le suicide assisté n’est pas un acte médical?