Jusqu'où va la politique professionnelle, où commence la «politique»? (avec réplique)

Briefe / Mitteilungen
Ausgabe
2022/17
DOI:
https://doi.org/10.4414/saez.2022.20713
Schweiz Ärzteztg. 2022;103(17):552-553

Publiziert am 26.04.2022

Jusqu’où va la politique professionnelle, où commence la «politique»? (avec réplique)

Au Pays de Vaud, entre deux tours d’élection, la Société médicale cantonale a décidé de publier l’appel à une manifestation de la rue contre la politique sanitaire de l’Etat et de censurer la communication d’une association constituée de membres de la SVM, les Engagés pour la santé, jugée trop «politique». Cela ne risque-t-il pas d’appauvrir les débats?
Les mises en garde permanentes sur les velléités de l’Etat de vouloir prendre le contrôle de notre système de santé au détriment du principe de la concurrence n’ont-elles pas comme effet secondaire de tuer les initiatives ou efforts de co-construction dans l’œuf? De l’autre côté, la gaffe monumentale, qu’a constitué l’annonce de la volonté du Grand Conseil Vaudois de baisser le point tarifaire médical cantonal, fut la goutte qui permit à la manifestation des cartons jaunes d’éclore sur les pavés de Lausanne, sous l’égide de la SVM, comme tant de jonquilles éphémères… qui trouvent juste la place pour s’épanouir entre les premiers rayons de soleil de mars et le retour du gel du premier avril, soit entre le premier et le deuxième tour des élections… et dire que la SVM a cru bon de disqualifier la position des Engagés pour la santé qui remettait en question cet appel à la rue, la jugeant «politique»!
Un système de santé solide et durable doit être basé sur des soins de santé primaires forts, dont la médecine de famille est une composante essentielle. Le carton jaune dénonce des délais de prise en charge chirur­gicale ou radiologique, difficulté à obtenir un deuxième avis, ou encore la perte du libre choix du médecin qui serait liée au modèle d’assurance dit «médecin de famille». Nous ne partageons pas ces constats dont nous craignons qu’ils constituent un écran de fumée face au problème vraiment prioritaire aujourd’hui: la difficulté de trouver un médecin de premiers recours disponible pour prendre de nouveaux patients. Le blocage des installations voulu par le nouvel article de la LAMal, qui rend obligatoire l’exercice de sa discipline au moins trois ans dans un établissement suisse de formation reconnu, exclut de facto l’admission d’un médecin formé à l’étranger. Or, sans les médecins formés à l’étranger, comment faire face aux besoins de la population qui croît en nombre et en âge? L’effet de l’augmentation des étudiants de 800 à 1300 viendra en 2030, comment tenir d’ici là?
88% des votants ont adopté l’article 117a sur les soins médicaux de base: «La Confédération et les cantons veillent à ce que chacun ait ­accès à des soins médicaux de base suffisants et de qualité.» Nos autorités doivent traiter la relève en médecine de famille de manière ­urgente et prioritaire.
Pour faire face aux besoins accrus en santé de notre population, renforçons les mesures structurelles qui peuvent nous sortir de l’épuisement de nos ressources: tempérons la liberté de commerce (initiative enfants sans tabac), consommons local, utilisons la mo­bilité douce et diminuons les protéines animales dans notre alimentation! L’effort individuel et commun, bon pour sa santé et pour la planète, peut renforcer la durabilité de notre système de santé. Croire que la concurrence est le moteur de la qualité et de la maitrise des coûts de santé est digne d’un conte de fée!
Nous, Engagés pour la santé, ne partageons avec le mouvement des cartons jaunes que… le carton, substance durable, pour la couleur nous choisissons le vert!

Réplique à «Jusqu’où va la politique professionnelle, où commence la ‘politique’?»

La Société vaudoise de médecine (SVM) ne fait pas de politique partisane et travaille avec toutes les autorités que la population vaudoise se donne, toujours avec l’intérêt global du corps médical et des patients comme perspective principale. En l’occurrence, le Comité de la SVM a simplement accepté de relayer auprès de ses membres via newsletter un appel à manifester le 29 mars 2022 du collectif «Opération CARTON JAUNE». Formé pour l’occasion, ce collectif comptait exclusivement des médecins membres de la SVM dûment identifiés et voulait alerter à sa façon sur des dérives et des menaces que la SVM a malheureusement aussi pu constater lors de la législature écoulée (2017–2022). Raison pour laquelle la SVM a exprimé qu’elle partageait les préoccupations de ce collectif, avant et après cette ­manifestation. La SVM n’en était cependant pas l’instigatrice ou l’organisatrice.
L’association des «Engagés pour la santé», aussi respectable qu’elle soit, n’est statutairement pas une association de médecins. Le fait que quelques médecins membres de la SVM en fassent partie, y compris au sein du comité, ne constitue pas une raison suffisante pour invoquer un droit à faire diffuser de l’in­formation par la SVM à ses quelque 4000 membres (en l’occurrence une incitation à ne pas manifester le 29 mars, pour des raisons apparemment plutôt de sensibilité partisane). Sinon, chaque association comptant au moins un médecin dans ses rangs pourrait faire de même, comme par exemple tous les partis ­politiques du canton… Suivant cette analyse, le Comité de la SVM a choisi à l’unanimité de refuser de diffuser via newsletter le texte ­proposé par l’association. Ce qui ne constitue d’aucune manière une prise de position sur les buts qu’elle poursuit.