Forschung ohne Folgen?

Wissen
Ausgabe
2022/36
DOI:
https://doi.org/10.4414/saez.2022.20972
Schweiz Ärzteztg. 2022;103(36):76-77

Publiziert am 06.09.2022

Hypolipémiant Les personnes avec un risque cardiovasculaire faible ou modéré n’ont pas de bénéfice à suivre des thérapies complémentaires. C’est le constat d’une analyse indépendante de l’équipe du Prof. Nicolas Rodondi. Mais tous les cardiologues ne sont pas favorables à un changement de paradigme.
Les statines sont le traitement de choix recommandé pour diminuer le risque cardiovasculaire. Afin de le réduire davantage encore, certaines personnes ont besoin de traitements complémentaires. Dans de tels cas, l’ézétimibe et les inhibiteurs de la proprotéine convertase subtilisine/kexine de type 9 (PCSK9) sont utilisés. Mais est-ce vraiment judicieux? Une analyse à grande échelle livre de nouveaux résultats.

Deux principes actifs étudiés

Le professeur Nicolas Rodondi, spécialiste du cholestérol et des lipides, a étudié les principes actifs que sont l’ézétimibe et les inhibiteurs de la PCSK9 avec son équipe de recherche internationale. En tant qu’hypolipémiant, l’ézétimibe a des effets inhibiteurs sur la résorption intestinale du cholestérol issu des aliments. Il est généralement associé à des statines. Les inhibiteurs de la PCSK9, quant à eux, se lient aux protéases à sérine PCSK9 circulantes et les empêchent de se fixer sur les récepteurs LDL, ce qui augmente la dégradation du cholestérol LDL et réduit la production endogène de cholestérol.
L’analyse a porté sur 14 études et un total de 83 660 patients. Il s’est avéré que si l’ézétimibe et les inhibiteurs de la PCSK9 réduisaient les événements cardiovasculaires chez les patients à risque cardiovasculaire élevé et très élevé, ce n’ était pas le cas chez ceux à risque modéré et faible [1], comme l’indique l’article paru dans la revue The BMJ après une évaluation par les pairs.
Conclusion: seuls les adultes présentant un risque élevé de maladie cardiovasculaire, y compris d’accident vasculaire cérébral, et qui prennent déjà la dose maximale de statines ou qui ne les supportent pas, bénéficient de l’administration supplémentaire d’ézétimibe ou d’inhibiteurs de la PCSK9. Et quel principe actif faut-il utiliser chez les patients à haut risque? Nicolas Rodondi est catégorique: «Les inhibiteurs de la PCSK9 sont nettement plus chers que l’ézétimibe, alors que leur efficacité est similaire. Ils doivent en outre être administrés par injection. Le premier choix est donc clairement l’ézétimibe, une alternative moins coûteuse et plus facile à utiliser.»

Changement de paradigme nécessaire

Pour appliquer correctement les recommandations indépendantes [2], les médecins – toutes spécialités confondues – doivent en premier lieu déterminer le risque cardiovasculaire individuel de leurs patientes et patients. Nicolas Rodondi souligne que le critère d’évaluation de l’étude était les événements cardiovasculaires, et non la seule réduction du taux sanguin de LDL. «Seuls les patients à risque élevé ou très élevé doivent recevoir un traitement supplémentaire, dit-il. Ce sont les patients qui ont déjà été victimes d’un infarctus du myocarde ou d’un accident vasculaire cérébral, ou chez qui les probabilités d’événement cardiovasculaire dans les cinq prochaines années sont supérieures à 15%.» Les nouvelles recommandations [2] s’appliquent aux adultes chez qui le traitement par statine a déjà été épuisé jusqu’à la dose maximale ou qui ne tolèrent pas les statines.

Première analyse indépendante

Nicolas Rodondi précise qu’il s’agit de la première analyse indépendante à comparer les deux médicaments et que la plupart des autres portant sur ces nouveaux médicaments sont généralement financées par l’industrie pharmaceutique. «Notre étude a fait appel à un panel international indépendant, dont les membres n’étaient pas confrontés à un conflit d’intérêts. [2] L’ autre aspect nouveau était l’étude de patients à faible risque cardiovasculaire.» D’après lui, il est important de ne pas réduire uniquement le mauvais cholestérol (LDL), mais aussi d’améliorer l’état de santé général du patient ou de la patiente. «D’autres lignes directrices se concentrent davantage sur le taux de LDL», critique-t-il.
Et d’ajouter: «Il faudra davantage de directives indépendantes à l’avenir, mais ce n’ est pas facile à mettre en place, notamment à cause du manque de financement.»
Prof. Nicolas Rodondi, Dr méd.
Nicolas Rodondi est spécialiste du cholestérol et des lipides à l’Hôpital de l’Île et directeur de l’Institut de médecine de famille de l’Université de Berne (BIHAM).

A appliquer avec modération

Le professeur Augusto Gallino, président du Groupe de travail Lipides et Athérosclérose (GSLA), est impressionné par les résultats de l’étude, notamment en raison de la taille de la cohorte. Il se montre toutefois plutôt réservé quant à la mise en œuvre de la nouvelle directive. «Les résultats de cette étude approfondie confirment d’un côté le message clé des directives du GSLA, à savoir que les patients présentant un risque cardiovasculaire très élevé sont ceux à qui les thérapies combinées de statines à haute dose et d’ézétimibe et/ou d’inhibiteurs de la PCSK9 bénéficient le plus.» Il ajoute: «De l’autre côté, le GSLA n’ est pas d’accord avec la conclusion de l’absence d’utilité de la prévention chez les patients à risque cardiovasculaire modéré». Pour lui, les preuves scientifiques de l’efficacité d’une telle prévention, même en dehors des groupes de patients à risque très élevé ou élevé, vont plutôt dans l’autre sens: « Des méta-analyses d’essais contrôlés randomisés, d’études de cohorte et d’études de randomisation mendélienne basées sur plus d’un million de patients ou de personnes apparemment en bonne santé ont démontré les avantages d’un taux de cholestérol LDL bas, y compris chez les patients présentant un risque cardiovasculaire modéré.» Le GSLA propose donc actuellement de suivre ses recommandations ainsi que les lignes directrices de l’European Society of Cardiology [3], dont font partie plusieurs chercheurs et cliniciens suisses.
Nicolas Rodondi rétorque: «Il n’y a pas d’études chez les personnes à faible risque et différents résultats d’études chez les personnes à risque modéré qui sont négatifs, surtout lorsque les études n’ont pas été financées par l’industrie pharmaceutique.» Le changement de paradigme devra sans doute attendre.
L’ézétimibe et les inhibiteurs de la PCSK9 réduisent les événements cardiovasculaires chez les patients à risque cardiovasculaire élevé et très élevé, selon l’étude menée par Prof. Rodondi.
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Informations complémentaires: le professeur Rodondi poursuit également ses recherches sur les statines. L’étude STREAM actuelle examine l’influence du traitement par statine sur la qualité de vie et les troubles musculaires chez les seniors de 70 ans et plus sans antécédents d’infarctus du myocarde ou d’accident vasculaire cérébral. Elle vise à déterminer si un hypolipémiant est bénéfique pour ces personnes ou leur fera plus de mal que de bien. Plus d’infos: www.statin-stream.ch